TAXATION DES CONTRATS COURTS : QUAND L’EXCEPTION DEVIENT LA RÈGLE

, par Udfo15

Officiellement, l’accord du 11 janvier veut pénaliser les patrons qui abusent des CDD. Concrètement, une petite minorité de contrats sera concernée par une hausse plus symbolique qu’efficace.

La taxation des contrats courts est contenue dans l’article 4 du titre 1 de l’accord national interprofessionnel intitulé « Créer de nouveaux droits pour les salariés afin de sécuriser les parcours professionnels », c’est-à-dire dans la partie consacrée aux mesures censées bénéficier aux salariés.

L’article 4 fixe un nouveau taux de cotisation employeur d’assurance-chômage en fonction de la durée du contrat à durée déterminée. Celui-ci est actuellement de 4% et serait porté à 7% pour les contrats de moins d’un mois, à 5,5% pour les contrats de un à trois mois et à 4,5% pour les contrats d’une durée inférieure à trois mois en vigueur dans certains secteurs.

Mais, dès la première phrase de l’article, il est précisé que celui-ci ne s’applique pas aux contrats d’apprentissage ni à l’intérim. Pourtant, 17 millions de missions d’intérim ont été réalisées en 2011, ce qui représente autant que les 17 millions d’autres types de CDD conclus en 2007 selon l’ACOSS*.

En mettant d’office l’intérim à l’écart, les signataires de l’accord –MEDEF, CGPME et UPA côté patronal et CFDT, CFTC et CGC côté salariés– réduisent la portée de leur dispositif. Au passage, ils offrent à l’intérim un statut privilégié et il est paradoxal de voir ce secteur, dans lequel la précarité est structurelle, bénéficier d’un taux de cotisation sociale allégé.

Ce n’est pas le seul à passer à travers les mailles du filet. Le texte de l’accord précise aussi, dans un langage juridique un peu abscons, que cette taxation ne concernera pas les CDD de remplacement, ni les CDD saisonniers, ainsi que ceux en cours dans vingt et un secteurs professionnels, qui se trouvent être les principaux pourvoyeurs de CDD (dont l’hôtellerie, la restauration, l’audiovisuel, les sociétés de sondages et autres services à la personne).

FAUSSE BONNE IDÉE

Enfin, les taux majorés de cotisation ne s’appliqueront pas non plus lorsque le CDD débouchera sur un CDI. Une dérogation de plus, qui est le type même de la fausse bonne idée. Sous couvert de vouloir inciter les employeurs à transformer leurs CDD en CDI, elle officialise et encourage le recours au CDD en guise de période d’essai du salarié avant embauche en CDI et nouvelle période d’essai.

En clair, c’est l’entrée en CDI qui risque de se trouver fragilisée encore un peu plus à cause de cette formulation à effet boomerang.

Toutes ces exceptions mises bout à bout aboutissent à un double constat : tout d’abord, l’augmentation de la taxation ne s’appliquera qu’à une faible minorité des CDD. Ensuite, les patrons malchanceux susceptibles d’y être assujettis auront néanmoins de multiples possibilités d’y échapper, en ayant recours à l’intérim par exemple.

La philosophie de cet article n’est d’ailleurs pas sans rappeler le cas des multiples niches fiscales qui permettent aux ménages les plus aisés de réduire leur impôt sur le revenu. Et comme pour les niches fiscales, les exceptions sont tellement nombreuses qu’elles finissent par devenir la règle tout en modifiant le comportement des agents.

Quant au taux de cotisation, sa hausse se traduira par un apport d’une cinquantaine de millions d’euros dans les caisses de l’UNEDIC, ce qui ne lui permettra pas de résoudre son problème d’endettement qui atteindra 18 milliards d’euros fin 2013.

* Agence centrale des organismes de Sécurité sociale.