UN ÉCONOMISTE DE LA COMMISSION EUROPÉENNE CHIFFRE LES DÉGÂTS DE L’AUSTÉRITÉ

, par Udfo15

Fin octobre, la Commission européenne a publié une étude économique qui prend à contrepied les analyses habituelles de la Commission. Il s’agit d’un document de travail, qui remet en cause les politiques d’austérité suivies partout en Europe. A l’aide d’un modèle macroéconomique, elle mesure l’ampleur des effets des politiques actuellement menées.

L’étude montre que les effets les plus importants des politiques d’austérité proviennent des mesures de limitation des dépenses plus que celles visant à accroitre les recettes. En outre, les effets les plus négatifs viennent du fait que tous les pays européens mènent en même temps les mêmes politiques (ce que l’auteur désigne comme des effets de « spillovers »).

C’est en Grèce et au Portugal que les effets négatifs ont été les plus importants, ce sont les pays dont les « efforts budgétaires » ont été les plus lourds. Ces mesures dites de « consolidation budgétaire » ont un effet déflationniste, du fait de la chute de la demande. Ceci aurait pour effet de favoriser les exportations d’un pays si celui-ci menait isolément une politique d’austérité (effet compétitivité). Mais le fait que tous les pays mènent en même temps les mêmes politiques réduit partout les importations en provenance des pays voisins. L’effet compétitivité que les pays pourraient attendre de politiques d’austérité est ainsi en partie neutralisé.

Le ralentissement de la croissance provoqué par les politiques d’austérité réduit également les recettes fiscales et accroit les dépenses sociales. L’ampleur de la réduction des déficits après la mise en place des mesures d’austérité est donc plus faible que l’ampleur des mesures budgétaires. Concernant le ratio dette/PIB, celui-ci continue d’augmenter dans les premières années, il faut attendre parfois cinq ans pour que celui-ci commence à décroitre.

En France compte tenu des trois années de politiques d’austérité, le PIB est inférieur de 4,8% à ce qu’il aurait été en l’absence des mesures de consolidation budgétaire et le taux de chômage plus élevé de près de 2 points.

Toutefois, l’étude ne disqualifie pas complètement les politiques d’austérité. Elle indique qu’au bout de plusieurs années, les économies européennes retrouveront la croissance. Mais l’argument peut sembler fragile : au bout de quelques années, lorsque la trajectoire budgétaire est devenue « crédible », les agents économiques anticipent une baisse des impôts et se remettent à investir et à consommer. Selon l’étude, la baisse des taux d’intérêt consécutive à la déflation contribue aussi à soutenir la reprise (sauf qu’en réalité ils sont déjà à des bas niveaux historiques).

Dans la conclusion, l’auteur souligne donc que les plans d’austérité successifs ont déprimé la croissance dans la zone euro. Prudent, il indique aussi que cela ne signifie pas que les mesures de consolidation budgétaire n’auraient pas dû être prises mais il s’interroge sur le rythme de ces mesures. Tant que la crise dure, l’étude suggère d’opérer un rythme moins soutenu pour le retour à l’équilibre budgétaire, tout en s’assurant que la crédibilité sur les marchés est maintenue.