Loi Travail : Le Conseil constitutionnel valide la procédure tout en laissant la possibilité de recours

, par Udfo15

Avec pas moins de trois saisines au Conseil constitutionnel, la bataille contre la loi travail s’est poursuivi cet été dans les salons feutrés du Palais Royal. Mais la séquence n’aura pas duré, l’assemblée des Sages ayant rendu sa décision le 4 août, avec une célérité très remarquée.

Élément important : La haute juridiction ne s’est pas prononcée sur la conformité à la Constitution des autres dispositions de la loi dont il n’a pas été saisi. Ces dernières peuvent donc encore faire l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité. Force Ouvrière examine actuellement cette possibilité.

La décision du Conseil constitutionnel survient après sa saisine par des députés de gauche et de droite ainsi que par des sénateurs de droite. Le 25 juillet 2016, 61 députés Front de gauche, PS et écologistes avaient déposé un recours auprès du Conseil. Que reprochaient-ils au gouvernement ? D’abord les procédures d’élaboration et d’adoption d’un texte de loi qui concerne plus de 20 millions de salariés français.

Le 49-3 ne permet pas le débat parlementaire

Pour les députés, le Conseil des ministres aurait dû être consulté sur l’usage du 49-3 à chaque fois qu’il a été brandi, c’est-à-dire à trois reprises. Or le Conseil des ministres n’a été sollicité qu’une seule fois, le 10 mai 2016. « Le respect de cette procédure s’impose d’autant plus que l’article 49, alinéa 3, est une procédure d’intrusion violente du gouvernement dans les prérogatives du parlement », ont remarqué les députés. « Surtout lorsqu’elle est déclenchée sans avoir pu permettre de débat, sur un texte extrêmement clivant ayant réuni une opposition institutionnelle, syndicale et citoyenne aussi vigoureuse. »

Le Conseil constitutionnel n’a pas été de cet avis. L’assemblée des Sages a considéré que les conditions posées par la Constitution à la mise en œuvre du 49-3, pour l’examen de ce texte avaient été respectées.

Des délais trop courts

Autre reproche formulé par les 61 signataires de la saisine : les délais très serrés entre le retour en deuxième lecture à l’Assemblée nationale et la date limite de dépôt des éventuels amendements. Six heures pour amender le texte de loi : trop court pour un examen sérieux, jugent les parlementaires.

Du coup, ils ont considéré que le droit d’amendement garanti par plusieurs dispositions de la Constitution avait été bafoué. « Ce n’est pas notre conception de la démocratie et la facture de la loi nécessite à notre sens plus de respect de la procédure parlementaire », ont argumenté les députés. « Ce n’est pas non plus notre conception de la séparation des pouvoirs : les citoyens que nous représentons méritent que le débat parlementaire puisse avoir lieu, sans que l’exécutif ne procède au passage en force de la loi … »

Non, répondent les Sages

Le Conseil constitutionnel a également écarté ces reproches en remarquant qu’à « ce stade de la procédure, compte tenu de l’état d’avancement des travaux législatifs, les délais retenus, à l’Assemblée nationale, pour le dépôt des amendements en commission et en séance publique, n’ont pas fait obstacle à l’exercice effectif par les députés de leur droit d’amendement ni altéré la clarté et la sincérité des débats. »

Députés et sénateurs UDI et LR

De l’autre côté de l’échiquier politique, 120 parlementaires de droite avaient également saisi le Conseil constitutionnel le 21 juillet pour les sénateurs et le 22 juillet pour les députés.

Ces parlementaires ont vu d’un très mauvais œil l’article 64 mettant en place une représentation du personnel dans les réseaux de franchise comportant plus de 300 salariés. « Une atteinte à la liberté d’entreprendre », se sont-ils étranglés.

Le Conseil Constitutionnel n’a pas considéré que la liberté d’entreprendre était mise à mal par l’article 64. Il a cependant émis une réserve concernant le financement de l’instance.

Une réserve d’interprétation

Autre disposition contestée par les députés UDI et LR : l’article 27, qui prévoit une indemnisation spécifique si une collectivité territoriale retire à une organisation syndicale des locaux mis à sa disposition depuis au moins cinq ans ; et ce, sans lui proposer un « relogement ». Le Conseil constitutionnel a formulé sur l’article 27 une réserve d’interprétation et procédé à une censure partielle. Mais il ne remet pas en cause le principe de l’indemnisation.

Des possibilités de contestations juridiques

Le passage devant le Conseil constitutionnel de la loi Travail ne siffle pas pour autant la fin du parcours. Ni au niveau institutionnel, ni au niveau de la mobilisation sociale. Plus de 120 décrets doivent sortir, rappelle Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO. « Donc, il y a des possibilités de contestation juridique sur le fond. » Les articles les plus critiqués de la loi peuvent encore faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel l’a bien indiqué dans son communiqué.

Rendez-vous le 15 septembre

Sur le terrain social, une journée de mobilisation et d’actions, est prévue le 15 septembre. « Ce n’est pas terminé, loin s’en faut », conclut Jean-Claude Mailly.

Vendredi 5 août 2016 Nadia Djabali, FO Hebdo